Le vent joue avec leurs cheveux et l'air salé empli leurs poumons. Le visage tourné vers l'horizon, la bande d'adolescents échange des rires cristallins tout en marchant d'un pas tranquille et assuré. Ils peuvent sentir l'écume des vagues se glisser entre leurs orteils alors que leurs pieds effleurent  le sable brûlant. Certains sont en maillots de bain, exhibant leur corps jeune et athlétique. Emplis d'une confiance sans fin, ils savent ce qu'ils veulent, ils profitent de ce que leur offre ce paradis sur terre... Bahari.

L'une d'entre eux a une planche de surf sous le bras, ses cheveux qui lui arrivent jusqu'aux bas du dos virevoltent au gré du vent. Un sourire éclatant illuminant son visage, elle accélère le pas mais reste légère, presque aérienne. Ses pieds nus touchent désormais à peine le sable. Elle court, comme si sa vie en dépendait. L'appel de l'océan est puissant, elle peut le sentir au plus profond d'elle-même. Son sourire s'étire un peu plus et se transforme en rire. Bientôt, elle plongera la tête la première dans l'eau afin d'affronter les vagues et de les suivre en harmonie comme si elles ne faisaient qu'une.

D'autres montent à bord d'un petit bateau de pêcheur, leur masque de plongés, tuba et palmes à la main. Le moteur en route, leur course folle à travers les vagues crée un hypnotisant schéma de remous derrière eux. Ils vont vite, certains doivent placer leur main au-dessus de leurs yeux en visière afin de pouvoir les garder ouverts. Le vent est violent, les emplit d'une sensations enivrante. Ils savent ce qui les attendent. Ils trouveront le point parfait pour plonger et observer les fond marins. À plusieurs mètres de profondeurs, où le silence règne, où la nature est reine à nouveau. Là où rien ne semble pouvoir les atteindre.

Des filles sont restées sur la plage, elles ont étalées de grandes serviettes de bain colorées sur le sable. En cercle harmonieux, elles forment un mandala multicolore qui attire le regard.  Allongées, un livre à la main ou des écouteurs enfoncés dans les oreilles, leur paire de lunettes de soleil sur le nez, leur rire résonne et est emporté par le vent. Une d'entre elles met de la musique, un rythme lent et profond s'échappe du baffle. Plusieurs balancent déjà leur bras faisant virevolter les franges de leur longs gilets. Elles se laissent aller, leur destin leur appartient.

Certaines personnes paraissent  étrangères à la plage mais elles restent là à observer l'océan sans fin qui s'offre à eux. Cigarette au bec, un homme croyait que les plaisirs de jeunesse étaient derrière lui. Il pense à sa vie bien plus agitée qu'elle n'y parait. Entrepreneur en costume, il assombrit par sa seule présence ce paradis sur terre. Son visage indéchiffrable s'est tourné vers une jeune fille rayonnante de santé, jeunesse et innocence. Elle sent le regard de ce personnage mystérieux posé sur elle, lui répond par son plus joli sourire avec naïveté. L'homme sourit malgré lui, jète sa cigarette au sol avant de se diriger vers elle. Sa femme ne le verra pas ce soir.

Un peu plus loin un chauffeur ouvre la porte d'une limousine élégante et aide une jeune femme à en descendre. Elle est sublime, tellement fascinante. Richement vêtue, parée de ses plus bijoux elle ne peut pas passer inaperçue. Elle balaye la foule d'un regard indifférent avant de mettre ses lunettes de soleil. Son port de tête est digne de celui d'une reine, sa prestance est telle que l'on s'écarte de son chemin afin de lui laisser le passage. Un léger sourire s'est dessiné sur ses lèvres écarlates. On l'admire, pour ce qu'elle est, ce qu'elle possède, ce qu'ils ne seront jamais, n'auront jamais. Elle se sait supérieure, peu importe à quel point elle est vide à l'intérieur. Peu importe si sa personnalité se résume à sa vanité; ils seront toujours à ses pieds.

La côte ici est telle une fourmilière. Si on s'y arrête un instant on peut en voir beaucoup des gens comme ça, qui nous attirent comme des aimants. Pour certains ils sont l'incarnation de la liberté, de la passion, ils sont enviés et parfois détestés. Ce qu'ils ne savent pas c'est qu'ils n'ont aucun secret, ils leur tendent même la main. Le choix de la saisir et de les suivre dans leur course folle est leur. À eux de se décider, se lancer ou rester à observer. Vivre ou se laisser dépérir.